Vers un future plus durable : quand la chaîne de valeur du revêtement fait cause commune

R.Jenkins (Arkema Coating Solutions) : Nous sommes au milieu d’une transformation profonde de l’industrie, motivée par les nouvelles attentes des clients, des citoyens, des investisseurs, des organismes gouvernementaux et de nos propres employés. Ces attentes impactent l’ensemble de la chaîne de valeur.

Nous sommes tous concernés par le changement climatique et la préservation des ressources naturelles. Des études montrent qu’environ 87% des consommateurs veulent que les marques agissent maintenant pour encourager un future durable. Nous recherchons tous plus de transparence pour faire des choix plus conscients.

R.Jenkins (Arkema Coating Solutions) : Le développement durable est passé d’un concept à un objectif commun et devient de plus en plus important pour les entreprises du monde entier. Aujourd’hui, il comprend un large éventail de dimensions sociales, environnementales et économiques.

Pour nous développer durablement, nous avons besoin de nouvelles façons de penser et d’agir en connectant les besoins des consommateurs et du marché aux capacités d’innovation en amont.

C’est pourquoi nous devons construire un écosystème de chaîne de valeur ouvert.

Nous partageons une responsabilité dans cette transformation et sommes ravis de travailler ensemble sur ce sujet important aux côtés de partenaires de toute la chaîne de valeur.

A.Hallonet (solutions adhésives Bostik - Arkema) : L'intégration de paramètres de développement durable par les grandes  marques est devenu une réalité, qui impacte profondément la chaîne de valeur. Dans de nombreux secteurs, du bricolage à la maison en passant par le sport et l'habillement, les indicateurs environnementaux aident désormais les consommateurs à acheter un produit en fonction de ses performances de développement durable.

Les besoins du marché évoluant, les fabricants adaptent leurs produits en améliorant leur durabilité accélère ainsi l'utilisation de solutions plus écologiques telles que les matériaux recyclés et renouvelables pour lutter contre la raréfaction des ressources.

D.Arns (FECC) : L'industrie chimique prend très au sérieux sa responsabilité environnementale et a déjà pris ces dernières années des mesures significatives pour réduire son empreinte écologique. Un exemple, selon l'édition 2023 de la brochure "Facts & Figures" du Cefic, l'industrie a déjà réalisé une réduction conséquente de 55 % des émissions de GES de son scope 1 entre 1990 et 2020, tout en augmentant la production européenne de 43 %. Il est important de noter que ces chiffres ne représentent que les émissions directes. Ils ne tiennent pas compte des améliorations environnementales rendues possibles par ces matériaux, qui aident les utilisateurs en aval à réduire leur propre empreinte écologique.

Néanmoins,  nous devons accélérer et permettre davantage de décarbonisation et d'économie circulaire. Les problèmes sont si importants qu'ils ne peuvent être résolus par un seul acteur. Au contraire, la collaboration tout au long de la chaîne de valeur est essentielle pour progresser et créer un écosystème durable. A la FECC, nous considérons qu’une de nos missions est de promouvoir le développement durable sous tous ses aspects. Par exemple, certains de nos membres ont mis en œuvre avec succès, le concept de "déchets comme ressources", valorisant le potentiel des déchets à devenir des ressources précieuses pour de nouveaux produits dans d'autres chaînes de valeur.

M.Hägerstrom (PPG) : Notre engagement en faveur du développement durable est guidé par notre slogan "Nous protégeons et embellissons le monde", mais dans le contexte actuel, nous souhaitons souligner l'importance de notre rôle de protection. En tant que leaders de l'industrie, nous nous sommes engagés dans l'initiative Science Based Targets (SBTi) et visons à ce que 40 % de nos ventes proviennent de produits bénéficiant d'un avantage durable d'ici à la fin de 2025. Nous avons développé une méthodologie qui évalue l'intensité des gaz à effet de serre (GES) de nos revêtements, ainsi que plusieurs autres paramètres de développement durable.

Aujourd'hui, nous nous concentrons essentiellement sur la protection du substrat afin de  préserver, sur le long terme, les actifs les plus importants de nos clients. Cette tâche est cruciale car l'impact environnemental du cycle de vie d'un substrat revêtu est directement lié au substrat que le revêtement protège. Par exemple, une voiture ou une éolienne a généralement une durée de vie de 10 ans, la durée de vie des biens durables étant de 10 à 20 ans. Par conséquent, notre chaîne de valeur est confrontée au défi de collaborer pour identifier les moyens d'améliorer les performances de durabilité du cycle de vie de nos revêtements tout en améliorant leur qualité et leurs esthétiques.

N.Nicolai (OMYA) : Lorsque l'on entame une collaboration, il est préférable de commencer avec un même état d'esprit "ensemble, nous pouvons faire plus avec moins", en se concentrant sur la réduction de l'empreinte carbone dans les applications finales telles que les peintures, les revêtements, les adhésifs et les produits d'étanchéité. C'est ce que nous nous efforçons de faire chez Omya.

Mais avant d'avoir un impact sur les performances en aval, il est très important que chaque entreprise de la chaîne de valeur commence par « faire ses devoirs », en s'attaquant à ses scopes 1 et 2. Ensuite, vous pouvez contribuer au niveau suivant et apporter des performances environnementales positives en aval de la chaîne de valeur et tirer parti de l'expérience d'autres industries.

L'allègement est un exemple. L'un de nos produits permet de réduire le poids de la peinture de 40 % tout en augmentant le taux de couverture de 60 %. ce qui se traduit par 40 % de poids en moins pour les camions et les peintres au quotidien. Dans le  même temps, ce produit améliore l’isolation thermique et contribue ainsi à faire des économies d'énergie . Aurions-nous pu développer cette solution durable sans collaborer avec la chaîne de valeur ? Peut-être oui, mais probablement pas aussi rapidement que nous le faisons aujourd'hui.

A.Hallonet (solutions adhésives Bostik - Arkema) : Pour garantir la durabilité et la sécurité des produits, il est essentiel de prendre en compte l'ensemble de leur cycle de vie, y compris leur formulation, leurs processus et leurs applications en aval, afin de minimiser leur impact global. Nous devons adopter une approche proactive pour évaluer les effets de nos produits sur la santé, la sécurité et l'environnement, en allant au-delà de la conformité. L'objectif étant de promouvoir plus spécifiquement les produits qui ont des impacts positifs suivant les ODD (Objectif Développement Durable) de l'ONU et qui sont alignés sur les tendances réglementaires et les attentes du marché.

Pour réduire les impacts, nous développons des adhésifs avec des empreintes environnementales plus faibles qui aident nos clients à éco-concevoir un produit. Par exemple, nous collaborons avec Omya sur des produits d'étanchéité à faible empreinte carbone qui sont également plus légers, réduisant ainsi la consommation d'énergie du transport et facilitant leur manipulation, ce qui profite à la fois aux opérateurs et à l'environnement.

D. Arns (FECC) : Un excellent exemple d'économie circulaire se trouve au Danemark, où différentes industries ont collaboré pour créer plusieurs boucles d'utilisation supplémentaires pour des solvants. Ces solvants sont souvent utilisés comme auxiliaires de fabrication dans l'industrie pharmaceutique, où un haut niveau de pureté est requis, 99 % ou même plus. Après un cycle de production, le solvant était généralement éliminé, car sa pureté était alors trop faible pour qu'il puisse être réutilisé.

Les distributeurs sont entrés en scène et ont proposé ces solvants à une chaîne de valeur complètement différente, où les entreprises peuvent travailler correctement et en toute sécurité avec des niveaux de pureté un peu plus bas, mais toujours correctement documentés. Cette logique a été reproduite plusieurs fois, permettant d’augmenter considérablement la durée de vie d’un même produit, de réduire significativement les déchets et les émissions de CO₂. En  même temps, plusieurs chaînes de valeur différentes, qui n'avaient jamais travaillé aussi étroitement ensemble auparavant, ont été connectées.

Ce projet a ouvert la porte à un nouvel écosystème, offrant de nouvelles opportunités commerciales pour tous, et un déploiement paneuropéen est en cours.

A.Hallonet (solutions adhésives Bostik - Arkema) : Les adhésifs sont essentiels au succès d'une chaîne de valeur durable. Bien qu'ils ne représentent souvent qu'une petite partie des produits finaux dans lesquels ils sont utilisés, ils peuvent devenir de véritables catalyseurs du développement durable en prolongeant leur durée de vie (réparation) ou en améliorant leurs performances.Par exemple en améliorant l'isolation des maisons ou en allégeant les véhicules.

En ce qui concerne la gestion de la fin de vie, les adhésifs contribuent également à des processus de recyclage plus efficaces. Ainsi, et en anticipant cette phase, les films d'emballage multicouches ou les pales d'éoliennes peuvent être entièrement recyclables.

Pour mettre en œuvre ces nouveaux circuits de recyclage, nous devons travailler main dans la main avec les différents acteurs de la chaîne de valeur afin que chacun puisse communiquer les avantages quantitatifs, comme les données de l'ACV (Analyse de Cycle de Vie), et permettre à tous de prendre les bonnes décisions.

M.Hägerstrom (PPG) : La collaboration avec nos parties prenantes en amont et en aval est cruciale pour nos efforts en matière de développement durable. En amont, nous dialoguons avec nos fournisseurs pour comprendre l'ensemble de leur proposition de valeur en matière de développement durable et le raisonnement qui la sous-tend. En aval, nous développons continuellement notre compréhension des facteurs de durabilité qui affectent nos clients, y compris les facteurs législatifs.

L'un des rôles clés que nous confère notre position dans la chaîne de valeur est d'intégrer les facteurs identifiés et les besoins de durabilité de nos parties prenantes en aval, dans nos dialogues avec nos fournisseurs de matières premières. Nous ne sommes pas prescriptifs en ce qui concerne le contenu de la proposition de valeur en matière de durabilité pour nos matières premières. Nous sommes ouverts à différents moyens de réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre, y compris la substitution de substances, le passage à des matériaux d'origine biologique, l'introduction de composants recyclés et d'autres propositions qui apportent des améliorations significatives en matière de développement durable en aval.

Nous nous concentrons sur les améliorations nettes du cycle de vie plutôt que sur le simple déplacement des impacts entre les phases du cycle de vie ou les catégories d'impact environnemental. Par exemple, nous pouvons rechercher des améliorations dans les applications. Nous pensons que le pouvoir de faire la différence réside dans notre volonté et notre capacité à collaborer avec nos clients et consommateurs en aval, ainsi qu'avec nos fournisseurs de matières premières en amont.

N.Nicolai (OMYA) : Collaborer et échanger des idées avec des leaders d'opinion peut nous aider à trouver des solutions ensemble. Bien que de nombreuses choses soient déjà bien réglementées, leur mise en œuvre prend souvent beaucoup de temps. Le Green Deal y contribuera, mais il est essentiel de penser et d'agir au niveau de la chaîne de valeur pour accélérer la décarbonisation sans attendre de nouvelles réglementations. Pour ce faire, il est nécessaire de partager les challenges et les besoins à différents niveaux.

Par exemple, un échange a débouché sur une innovation durable révolutionnaire qui concerne l'élimination de l'humidité dans le processus de production de certains types de produits d'étanchéité. L'humidité est l'ennemie des produits d'étanchéité, non seulement dans la salle de bains, mais aussi au cours du processus de production.

Il existe actuellement deux options : chauffer pendant des heures à une température supérieure à 100 degrés ou ajouter un autre produit chimique pour éliminer l'humidité. Grâce à une collaboration ouverte, les points problématiques sont apparus et, après cinq années de R&D, d'essais et de validation par le marché, un carbonate de calcium fonctionnel à très faible teneur en humidité a été mis au point. Cette innovation de rupture permet de produire plus avec moins d'énergie et de réduire l'utilisation de produits chimiques qui pourraient être interdits par le Green Deal.

Les innovations de rupture prennent du temps, mais plus tôt nous nous connectons et échangeons sur les besoins, mieux c'est.

J.Klevås (Perstorp) : En matière de développement durable, il est important de rester en contact non seulement avec les clients directs, mais aussi avec les clients finaux de la chaîne de valeur. Comme cette phrase le dit si bien, "Aucune entreprise n'est plus verte que ses fournisseurs". Le fait d'être une entreprise très en amont de la chaîne de valeur nous donne la possibilité de faire une énorme différence pour de nombreuses industries et entreprises. Toutefois, pour atteindre nos objectifs en matière de développement durable, nous devons veiller à communiquer efficacement avec toutes les parties prenantes tout au long de la chaîne de valeur. Nous devons également utiliser des méthodes et des stratégies solides dans notre travail sur le développement durable. 

L'une des stratégies que nous avons adoptées dans notre transition vers des matériaux durables est l’approche Mass balance. Pour garantir notre crédibilité, nous avons choisi l'ISCC PLUS comme organisme de certification, ce qui nous permet d'abandonner progressivement les matériaux fossils de manière transparente et compréhensible pour nos clients et partenaires en aval.

ISCC PLUS est une certification "cradle to gate" qui implique que tous nos fournisseurs possèdent le même type de certification. Le nombre de sites certifiés ISCC PLUS a doublé chaque année au cours des dernières années, et il existe aujourd'hui près de 3 000 certificats ISCC PLUS valides.

H.Pernot (Arkema Coating solutions) : Nous sommes convaincus que, pour changer le monde dans lequel nous vivons, nous devons changer les matériaux que nous utilisons. Pour réussir, rester connecté est clef, car le risque de perdre le contact avec l'aval et les consommateurs est réel. Cela souligne l'importance de la communication au sein de la chaîne de valeur. L'innovation n'est plus un effort individuel mais collectif, en particulier dans un monde où la circularité devient la norme. Pour réaliser des progrès significatifs, nous devons nous adapter collectivement et explorer de nouveaux modes de collaboration au-delà de la relation traditionnelle client-fournisseur. Comme nous l'avons vu précédemment, notre rôle consiste à faire le lien entre les attentes des consommateurs, les demandes du marché et les capacités d'innovation en amont. Cela garantit, qu’en tant qu’écosysteme, nous investissions dans des technologies qui répondent à la fois aux défis de développement durable et de performance. Comme l'a souligné Mats, la performance et le développement durable sont étroitement liés et fonctionnent main dans la main.

J.Klevås (Perstorp) : De nombreuses initiatives sont en cours, mais l’industrie doit être informée de ce qui est possible de mettre en place dès aujourd'hui. Les formations, l'éducation et le partage des connaissances au-delà des interactions traditionnelles entre fournisseurs et clients peuvent nous aider à apprendre les uns des autres et à collaborer pour trouver de nouvelles opportunités et solutions au défi du développement durable

Pour accélérer la transformation, nous devons écouter le marché et lui parler, de nos clients les plus proches aux acteurs en aval. Souvent, nous devons éduquer les acteurs en aval sur le développement durable afin que leurs décisions s'alignent sur ce qui est possible du point de vue des matières premières. En interne, nous devons également nous former pour permettre des conversations informées et constructives.

H.Pernot (Arkema Coating Solutions) : En tant que fournisseur de solutions, nous devons sortir des sentiers battus et développer de nouvelles méthodes de travail, comme nous en discutons ici. Cela peut nécessiter un investissement en temps et en ressources dans un premier temps, car il faut sortir de nos shemas de fonctionnements habituels, passer du temps à établir des liens en amont et en aval, à comprendre les défis des uns et des autres, et à augmenter les performances. Cependant, c'est aussi l'occasion de créer de nouvelles opportunités que les premiers à bouger pourront saisir.